Plainte contre l'hebdomadaire Charlie Hebdo (19 septembre 2012)

PROJET DE PLAINTE

A Monsieur le Procureur de la République Française

 

Monsieur le Procureur,

 

Je soussignée Aggeliki KONTOULI, de nationalité helvétique, suis saisie des intérêts d’un groupe de 760 personnes expatriés vivant sur le territoire tunisien, que je represente.

Notre groupe porte plainte contre l’hebdomadaire français Charlie Hebdo, et de son directeur, l’accusant de délit de presse selon la Loi sur la liberté de la Presse du 29 juillet 1881.  La loi en question accorde des libertés mais définit aussi ses limites pour les garantir, le délit étant dans ce cas précis la  "provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence nationale, raciale ou religieuse".

Je déclare mon intention d’entamer les procédures légales pour la création d’une association incluant les 760 personnes susmentionnées, dont l’intérêt principal sera porté à la protection des droits et à la sécurité des expatriés en Tunisie.

La publication de caricatures de Mahomet dans l’édition de l’hebdomadaire Charlie Hebdo du 19 septembre 2012 a mis en danger notre communauté d’expatriés : individus isolés, postes diplomatiques et leurs agents, écoles, élèves et enseignants sont devenus la cible potentielle d’actions violentes.  Pour rappel l'une de ces caricatures montre le prophète (de 1,6 milliards de musulmans dans le monde) Mahomet dénudé, dans une parodie d'une scène du film "Le Mépris" de Jean-Luc Godard où Michel Piccoli admire la chute de reins de Brigitte Bardot, une autre nu et dans des positions obscènes.   Force est de rappeler que, en tant que expatriés à l’étranger présents partout dans le monde, notamment dans les pays musulmans, nous sommes attachés au dialogue des cultures, au respect des libertés et des croyances. Mais nous considérons que la provocation démarre déjà le 18 septembre 2012 avec l’annonce en pompe de la publication des caricatures le lendemain.  L’hypocrisie, par ailleurs des propos du directeur « Ces dessins choqueraient ceux qui vont vouloir être choqués en lisant un journal qu'ils ne lisent jamais" devient évidente et démontre l’esprit purement mercantile, car sous l’effet d’annonce l’hebdomadaire a dépassé de loin le nombre des tirages habituels. Les conséquences de cette publication étaient prévisibles et ont autant mené sur l’aggravation des tensions politiques dans le monde arabe que sur le danger réel de ses ressortissants qui y résident.  Les ambassades et la communauté française ont été obligés de prendre tout de suite des mesures contraignantes pour assurer la sécurité  : fermeture des postes diplomatiques et des centres culturels français dans tous les pays concernés, fermeture des écoles françaises à Tunis dès le 19 septembre et jusqu’à lundi 24 septembre, publication d’un appel à la prudence aux Français résidents ou de passage dans ces pays sur le site Conseils aux voyageurs de l’Ambassade de France mais aussi sur les sites des autres ambassades. La publication des caricatures a été immédiatement condamnée par une grande partie de la presse française et internationale, des politiciens français et des diplomates en poste en Tunisie. Notre groupe et future association regrette que l’hebdomadaire Charlie Hebdo ait choisi cette date du 19 septembre, à peine une semaine après les émeutes meurtrières qui ont visé les Etats Unis et qui ont enflammé le monde musulman (suite à la publication sur Youtube du film L’innocence des musulmans), pour publier des dessins ressentis comme une provocation injustifiée et inappropriée par les opinions publiques dans les régions du monde musulman où de nombreux Français  - et autres expatriés francophones souvent assimilés à des français - sont établis. Les caricatures de Mahomet, publiées sur l’édition du 19 septembre 2012 sont susceptibles d’attiser les passions à un moment où elles sont déjà exacerbées.   Il est trop facile de se réfugier derrière la notion de liberté de la presse que nous défendons, pour se livrer à des provocations irresponsables dont l’objectif serait, nous le craignons, mercantile.  La véritable liberté d’expression et d’opinion reste un principe intangible dans notre démocratie. Mais elle n’exclut pas le sens des responsabilités. La liberté d’expression est définie comme la possibilité de pouvoir agir selon sa propre volonté, dans le cadre d'un système politique ou social, dans la mesure où l'on ne porte pas atteinte aux droits des autres et à la sécurité publique.  Dans le cas de la publication des caricatures ceci n’était clairement pas le cas.

Le groupe des 760 expatriés qui vivent au territoire tunisien demande :

1)    l’indemnisation pour préjudice moral de toute la communauté des expatriés vivant en Tunisie, de la somme de 2 millions d’euro, somme qu’on s’engage de reverser aux victimes de la Révolution du Jasmin, victimes qui - à l’encontre de l’hebdomadaire Charlie Hebdo – ont lutté pour l’instauration d’une réelle liberté d’expression et d’une démocratie dans ce pays proche à la France.

2)    L’indemnisation des dommages-intérêts de tout expatrié-membre du groupe/association en Tunisie qui sera éventuellement victime suite à des émeutes éventuelles causées par la parution des dessins de Charlie Hebdo en question.

3)    Des excuses publiques de la part du directeur de Charlie Hebdo.